La Smart City, futur ghetto aseptisé pour riches ?


le Mardi 21 Février 2017 à 11:58

La ville intelligente avec ses technologies de pointe, l’ouverture des ses données, le contrôle des ressources, l’optimisation de la sécurité… aurait-elle pour effet d’exclure les plus pauvres de nos concitoyens ? C’est le constat que dresse OuiShare, un Think Tank pour une société collaborative.


Une ville intelligente, c’est d’abord une ville où il y a du lien social, où on en prend soin, où on le développe (Crédit photo Fotolia)
Une ville intelligente, c’est d’abord une ville où il y a du lien social, où on en prend soin, où on le développe (Crédit photo Fotolia)
En préparation de son événement annuel, le « OuiShare Fest  », organisé à Paris du 5 au 7 juillet prochains, l’équipe de OuiShare, la communauté « dédiée à l’émergence d’une société collaborative » a jeté un pavé dans la mare lors d’une table ronde organisée dernièrement, dont le thème était volontairement provocateur : « la Smart City n’aime pas les pauvres ! ».  
 
Pour les promoteurs de la ville de demain, la ville intelligente est « une ville technologique, bardée de capteurs connectés à Internet et aux données ouvertes qui permettront de résoudre tous les problèmes de pollution, de gestion des flux de circulation et de gérer de manière efficiente les énergies ». C’est la définition des tous les acteurs de l’économie numérique, qu’ils soient gestionnaire de la ville ou d’une entreprise technologique.
 
« Recouvrir la ville de capteurs et  générer des millions de données pour espérer prévoir par algorithmes les comportements des habitants afin d’optimiser la gestion de la ville, est-ce bien sérieux », s'interroge l’équipe de OuiShare. « Les tech-companies ont une tendance à prendre la technologie comme une finalité et non comme un moyen. Elles s’émerveillent de l’internet des objets, du progrès technologique, surfant sur un attrait marketing, sans se poser la question de son utilité réelle et ses implications sociales et sociétales fortes ». Pour OuiShare il est urgent « d’expliciter et modérer si nécessaire cette fuite en avant technologique ».
 
Alors, la Smart City, un ghetto pour riche annoncé ? C’est le scénario qu’avancent les plus critiques au concept mouvant de ville intelligente telle que l’imaginent actuellement les politiques et les entreprises qui voient dans ce développement un moyen de faire de nouveaux profits.
 
« Au lieu d’imaginer un numérique qui rendrait la ville plus aisée à gouverner, il faudrait donc partir du principe inverse, à savoir que le numérique rend d’abord la ville bien plus ingouvernable demain qu’hier, avec sa multitude de nouveaux acteurs et une circulation de l’information et des circuits de décision plus complexes que jamais », mettent en avant ceux qui préfèrent les initiatives citoyennes ou entrepreneuriales favorisant des formes de détournement et de concentration.
 
La numérisation nous pousse à des usages consuméristes et rend finalement la ville beaucoup moins accessible à certains d’entre nous 

«  La tension que provoque une forme de « technologisation » de la ville semble incompatible avec sa diversité sociale. En envisageant le citoyen comme un produit et un consommateur, elle génère à la fois de la dépendance et de l’exclusion », souligne Clément Pairot sur Ouishare Mag, le magazine de la communauté, rappelant au passage le développement « du smartphone qui coûte aussi cher qu’elle rend dépendant », créant une disparité entre ceux qui peuvent acquérir les derniers modèles a haute technologie embarquée et ceux qui ne peuvent acquérir que de simples téléphones mobiles.
 
Pour l’architecte Constantin Petcou, cofondateur de l’atelier d’architecture autogéré et coordinateur du projet R-Urban, participant de la table ronde, la Smart City est déjà là et ses effets posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. « La numérisation nous pousse à des usages consuméristes et rend finalement la ville beaucoup moins accessible à certains d’entre nous, comme le montrent les usages différenciés des guichets automatiques, selon les niveaux sociaux ou générationnels ».
 
Pour les architectes qui placent l’habitat social et intergénérationnel, le bien-vivre ensemble, au cœur du projet, avant même la technologie, la Smart City cache une approche aliénante de l’urbanisme. « Ainsi, moins le consommateur est solvable, moins il a de valeur dans ce modèle », avance OuiShare. La « technologisation massive » de la ville apparaît comme économiquement incompatible à terme avec une certaine diversité sociale de son territoire. Il semble donc opportun de se pencher sur un urbanisme favorisant l’ingéniosité citoyenne, d’autant « qu’il est difficile de croire que la Smart City tienne ses promesses d’efficacité énergétique et de ressources », poursuivent les membres de OuiShare.  «  Il serait plus opportun de responsabiliser l’individu plutôt que de lui offrir des béquilles technologiques en repensant un urbanisme à taille humaine, qui permette à l’individu de modifier ses comportements ».
 
Au développement de la technologie à marche forcée, les promoteurs de la ville citoyenne opposent « l’urbanisme tactique » lequel revendique une logique fondée sur l’ouverture à l’intelligence collective par la coconstruction avec les habitants, sans rejeter en bloc  la technologie, «  qui peut apporter des améliorations concrètes en s’appuyant sur les réseaux existants ».  C’est le cas de la commune de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais), une ville pilote du développement durable, où le suivi de données favorise la démocratie participative au niveau local. « Une ville intelligente, c’est d’abord une ville où il y a du lien social, où on en prend soin, où on le développe », appuie l’architecte Constantin Petcou.
 
Des expériences concluantes où les usages prévalent sur les équipements technologiques existent partout dans le monde.  Ils s’opposent à la vision centralisée technocratique d’une certaine Smart City qui voudrait arroger à la technologie le monopole de l’intelligence.
 
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En savoir plus sur OuiShare

Structure à  but non lucratif fondée en janvier 2012 à Paris, OuiShare a rapidement évolué vers une communauté internationale à travers l'Europe, l’Amérique du Nord, l’Amérique latine et le Moyen-Orient. Ses principaux centres d’influence sont à  Paris, Barcelone, Londres, Munich, Montréal et Rio.

OuiShare qui publie un web magazine, OuiShare Mag, relie les citoyens et accélère les projets de changement systémique. Ses membres expérimentent des modèles sociaux fondés sur la collaboration, l'ouverture et l'équité.

Pour se faire connaître et entretenir le débat, OuiShare organise des événements, des festivals et des conférences, comme OuiShare Fest qui aura lieu à Paris du 5 au 7 juillet 2017.





              

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