Datacenter : réussir le défi de la Revitalisation


Rédigé par Reynald Werquin le Lundi 1 Décembre 2025 à 10:47

Ville Intelligente Mag dédie une série de 3 interviews aux enjeux de la gestion des données et de la cybersécurité auxquels sont confrontées les collectivités territoriales françaises, dans un contexte budgétaire contraint et alors que l’intelligence artificielle rebat les cartes …

Le 3ème épisode de cette série éclaire sur l’intérêt de la revitalisation de sites existants pour l’hébergement de données, le parcours technique et réglementaire pour y arriver et les clés de succès sur un territoire - avec Fabrice Cousin, président d’Ultra Edge, opérateur de datacenters français et Audrey Maurel - avocate en droit public des affaires, spécialisée dans l’accompagnement des collectivités sur les sujets numériques.


Aux enjeux de gouvernance et de souveraineté des données auxquels les collectivités territoriales sont confrontées, s’ajoutent la complexité réglementaire et l’acceptation sociétale liées à l’installation et au développement des centres de données (datacenters) sur un territoire. Pourtant, l'explosion des besoins (IA, vidéoprotection) est incontestable et l’existence d’un datacenter local sur un territoire devient stratégique…

Née en mai 2024 de la cession des activités data center des SFR, Ultra Edge opère un réseau étendu de 247 sites, dont 90 centres de données, couvrant des métropoles et des villes de taille moyenne partout en France. Son approche repose sur la revitalisation des sites existants, souvent des bâtiments érigés il y a une vingtaine d'années, qui nécessitent un « second souffle ».

L’importance du dialogue et de la transparence

Si cette stratégie de réhabilitation bénéficie de l’existence de certaines infrastructures ou dynamiques déjà en place (raccordement complexe comme à l’énergie ou la fibre optique ; présence d’acteurs sur site…), elle nécessite néanmoins d’engager une démarche proactive de dialogue et de transparence auprès des parties prenantes (élus, voisinage, associations). Et tout commence généralement par une visite des lieux…

L’objectif : surmonter les obstacles administratifs et mieux intégrer ces installations, souvent perçues par les élus comme des contraintes (consommation énergétique, peu d'emplois locaux), dans leur environnement, notamment en développant des initiatives sociétales. 
« Au-delà de l’hébergement de données, nous hébergeons des projets partenaires. Par exemple, des fermes urbaines en aéroponie (agriculture hors sol) sur nos sites de Toulouse et Bordeaux produisent des légumes, fruits et aromates distribuées par le Secours Populaire pour soutenir une cinquantaine de familles » explique Fabrice Cousin.

Accélérer les délais face aux besoins

Du point de vue réglementaire, Audrey Maurel ne cache pas que le développement ou la revitalisation d'un data center est un processus long et complexe, dans lequel l'opérateur doit faire face aux contraintes d'un promoteur immobilier en version « très augmentée ». Entre les études préalables, le respect des procédures d'urbanisme (PLU), la gestion des raccordements énergétiques et l’obtention des autorisations environnementales (ICPE), il peut s'écouler entre 12 à 18 mois, voire plus.

Un véritable paradoxe entre l'urgence nationale de la souveraineté et le blocage rencontré au niveau local.
« Les collectivités ont souvent des a priori ou craignent des contentieux, notamment en période électorale, ce qui rend l'appréhension du projet difficile. En outre, l'Europe accroît les obligations réglementaires (ex. réutilisation de la chaleur fatale), ce qui engendre des études supplémentaires et donc un allongement des délais » constate l’avocate.

Malgré ces défis, le projet de loi de simplification pour la vie économique pourrait potentiellement réduire les délais d'obtention d'autorisations pour certaines catégories de datacenters, suscitant l'espoir que ceux de proximité, répondant à des besoins d’IA ou d’hébergement sécurisé, soient aussi reconnus comme des projets d'intérêt national.

Enfin, une fois le centre opérationnel, la souplesse de la commercialisation deviendra un avantage majeur pour l’attractivité du territoire.
« Contrairement à la commande publique classique, un opérateur peut contractualiser de gré à gré (via contrat d’IRU ou de location) pour dédier des espaces d'hébergement, évitant ainsi les délais liés à la passation de marché. Cette agilité, couplée à des conditions tarifaires spécifiques, fait de l'hébergement de proximité une solution intéressante pour un territoire » conclut Audrey Maurel.





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