La 5G fera inévitablement augmenter l’empreinte carbone liée au numérique


Rédigé par Yannick SOURISSEAU le Lundi 21 Décembre 2020 à 10:13

Dans un rapport publié le 19 décembre dernier, premier mené en France sur le sujet, le Haut Conseil pour le climat met en garde sur le déploiement de la 5G sur notre territoire. Selon ce dernier le réseau hertzien nouvelle génération aurait des effets néfastes sur l’environnement, non pas à cause de la technologie en elle-même, mais par les appareils qui vont s’y connecter et notamment les téléphones et autres terminaux mobiles. Décryptage.


La 5G, dangereuse pour les populations, rien ne le prouve aujourd'hui, par contre pour le climat, c'est un risque avéré selon les scientifiques du Haut Conseil pour le Climat (Photo Adobe Stock)
Faut-il suspendre le déploiement du nouveau réseau de télécommunication 5G, sur lequel bon nombre d’entreprises technologiques fondent leur espoir pour développer de nouveaux outils de mobilité et de transfert de données à haute vitesse ? Oui, pour les associations d’usagers qui considèrent, à tort ou à raison, que ce réseau nouvelle génération pourrait présenter des dangers pour les citoyens de l’hexagone. 
 
Si aucune étude ne permet de confirmer ou d’infirmer le danger pour les populations, à déployer ce réseau, le risque est réel pour l’environnement, selon le Haut Conseil pour le climat qui vient de publier un rapport, le premier mené en France mené sur le sujet. Selon cette instance, les émissions annuelles supplémentaires générées par la technologie 5G, par rapport au maintien de la 4G, seraient comprises entre 2,7 et 6,7 millions de tonnes équivalent CO2 en 2030. 
 
« C'est une augmentation significative en comparaison de l'empreinte carbone du numérique (environ 15 millions de tonnes équivalent CO2 en 2020) », estime le Haut Conseil par la voix de sa présidente, la climatologue Corinne Le Quéré. « Dans les données que nous avons, nous ne voyons que des chiffres à la hausse ».
 
Composée de scientifiques et d'experts reconnus, cette instance est chargée depuis 2019 d’apporter un éclairage aux politiques de lutte contre le réchauffement climatique. En mars dernier, en plein confinement, ce qui augurait d’un potentiel retard en matière de déploiement, le Haut Conseil avait déjà été saisi par le président du Sénat, Gérard Larcher. « Alors que les premiers déploiements de la 5G sont prévus en France en juin prochain, aucune étude de l'impact environnemental de ce déploiement n'a été menée », s’inquiétait le parlementaire.
 
Le sujet avait toutefois fait parler de lui avec la proposition d’un moratoire, soutenu par la Convention citoyenne pour le climat, entité constituée en octobre 2019 par le Conseil économique, social et environnemental sur proposition du Premier ministre Édouard Philippe. Une proposition soutenue par certains élus écologistes, mais rejetée par le président Macron qui considérait que ne pas poursuivre le déploiement mettrait la France en retard par rapport aux autres pays. 
 
A l’heure actuelle les usages du numériques représentent 2% de l’empreinte carbone globale en France, selon le Haut Conseil. Un chiffre peu important par rapport à d’autres filières, mais toujours selon le Haut Conseil : « chaque pays devrait avoir pour ambition de réduire cette empreinte dans chaque domaine plutôt que l’augmenter ».  
 
« Pour la 5G, une telle évaluation aurait dû avoir lieu avant de décider d'attribuer les fréquences nécessaires »

 « Si on peut espérer que certains usages, comme le télétravail, aident à baisser les émissions de GES, d'autres peuvent l'augmenter », explique Corinne Le Quéré. « Des effets rebonds sont en particulier à craindre ».
 
En effet, la 5G va entrainer, inévitablement de nouveaux usages, notamment dans les secteurs de la téléphonie mobile, les objets connectés, l’automobile ou encore la consultation de vidéo à haut débit. C’est d’ailleurs l’argument des opérateurs de télécommunication qui mettent en avant l’avancée technologie mais pas le fait que l’économie d’énergie de chaque cas d’usage pourrait être rapidement balayée par l’augmentation de la consommation énergétique.
 
Certes, comme on le sait déjà pour la voiture électrique, ces émissions augmenteront significativement, non pas sur notre territoire, mais dans les pays où l’on fabrique les téléphones, tablettes et autres objets connectés et ceux où sont installés les centres de traitement des donnés. Sans compter ceux où l’on extrait les matériaux rares qui entrent dans la fabrication des composants électroniques. Des pays qui ont pour la plupart rejeté les derniers accords de Paris sur le climat et pour cause. « Contrairement aux émissions territoriales, les émissions importées ne disposent, à l’heure actuelle, d’aucune stratégie ou mécanisme de réduction », alerte le Haut Conseil. A cela s’ajoute la consommation électrique, nucléaire pour ce qui concerne la France, qui pourrait aussi augmenter.
 
Alors faut-il pour autant repousser le déploiement de cette nouvelle technologie aux calendes grecques comme certains le préconise ? Le Haut Conseil formule plusieurs préconisations, dont la première et non des moindres est de se poser la question du climat avant de déployer cette nouvelle technologie. 
 
« Pour la 5G, une telle évaluation aurait dû avoir lieu avant de décider d'attribuer les fréquences nécessaires », déplore le Haut Conseil. Ce dernier estime que « seules les logiques de valorisation économique des fréquences pour l’Etat, de compétitivité potentielle des entreprises françaises, d’égalité et cohésion des territoires et sanitaires ont été considérées ». 
 
Le Haut Conseil qui fait remarquer que les critères climatiques sont absents des cahiers des charges de l’Acerp (l’autorité de régulation des réseaux de communication), demande donc que l'attribution des prochaines bandes de fréquences pour la 5G fasse l'objet d'une évaluation préalable, en fixant d’imposer la maîtrise de l'empreinte carbone aux opérateurs, d’anticiper les surconsommations électriques et de sensibiliser les usagers et entreprises aux bonnes pratiques. « Ce qui est important, c’est que le gouvernement mette en place une stratégie pour que cette industrie suive la trajectoire qui nous aide à répondre au réchauffement climatique », conclut Corinne Le Quéré
 
Source France Télévision
 





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