Pendant longtemps, la smart city a été pensée à travers le prisme des grandes métropoles : démonstrateurs technologiques, plateformes complexes, projets vitrines souvent déconnectés des réalités de terrain. Or, les défis majeurs de la transition écologique, de la maîtrise des dépenses publiques et de la qualité des services se jouent aujourd’hui ailleurs : dans les villes médianes.
Dans son ouvrage Les villes médianes, Denis Thuriot propose une définition claire et structurante :
« Les villes médianes ne sont ni des métropoles ni des villes périphériques. Elles constituent des pôles d’équilibre, de services et d’attractivité pour leur territoire, avec une capacité unique à relier proximité, efficacité de l’action publique et qualité de vie. »
Cette spécificité territoriale impose une approche du numérique radicalement différente : sobriété, utilité, impact mesurable.
La vision OCDE : passer de la technologie à la décision publique
Dans son rapport de référence The Case for Artificial Intelligence in Advancing Smart Cities, l’OCDE appelle les collectivités à changer de paradigme. L’enjeu n’est plus de déployer des technologies avancées, mais de renforcer la capacité de décision publique.
“L’intelligence artificielle doit être adoptée pour répondre à des défis urbains clairement identifiés, et non comme un exercice guidé par la technologie.”– OCDE”
Pour les villes médianes, cette approche fait particulièrement sens. Elles disposent :
de marges budgétaires contraintes,
d’une proximité forte entre élus, services et citoyens,
et d’un besoin immédiat de résultats concrets.
La smart city devient alors un outil de pilotage, et non un objectif en soi.
La donnée comme actif stratégique des villes médianes
Le rapport OCDE insiste sur un point clé : la donnée publique est un actif stratégique, à condition d’être gouvernée et exploitée au service des politiques publiques.
Dans de nombreuses villes médianes, les données existent déjà :
données techniques des services,
historiques d’exploitation,
interventions terrain,
données financières et environnementales.
L’enjeu n’est donc pas la surenchère technologique, mais la capacité à croiser ces données pour éclairer les arbitrages publics.
Une IA discrète, explicable et maîtrisée
Le rapport OCDE met en garde contre les usages de l’IA perçus comme opaques ou intrusifs. Dans les villes médianes, l’acceptabilité repose sur la compréhension et la maîtrise des outils.
L’IA la plus efficace est souvent la plus discrète :
aide à la décision pour les services techniques,
priorisation des actions,
appui aux arbitrages des élus,
sans automatisme aveugle.
Gouvernance et compétences : le véritable facteur clé
L’OCDE est explicite : le principal frein à la smart city n’est pas technologique, mais organisationnel et humain.
Les villes médianes qui réussissent :
décloisonnent les services,
organisent une gouvernance transversale de la donnée,
acculturent élus et cadres à l’usage du numérique comme outil de pilotage.
La smart city devient alors un projet de transformation de l’action publique, et non un projet IT.
À retenir pour les élus
La smart city est un levier de décision publique, pas une vitrine technologique
La donnée permet de mieux arbitrer investissements et priorités
L’IA doit rester explicable et maîtrisée
Les services essentiels, comme l’eau, sont des terrains d’impact immédiat
La confiance et la transparence conditionnent la durabilité des projets
Conclusion – Les villes médianes au cœur de la smart city utile
Comme le souligne Denis Thuriot, les villes médianes sont des pôles d’équilibre territoriaux. À ce titre, elles ont un rôle majeur à jouer dans la transformation numérique des politiques publiques.
Le message de l’OCDE est clair : la ville intelligente de demain ne sera pas la plus technologique, mais celle qui saura transformer la donnée en décisions publiques plus justes, plus sobres et plus efficaces.
Appliquée aux villes médianes, la smart city redevient ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être :
un outil au service du territoire et de ses habitants.
Références
OCDE (2021) – The Case for Artificial Intelligence in Advancing Smart Cities
https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/about/programmes/cfe/the-oecd-programme-on-smart-cities-and-inclusive-growth/Issues-Note-AI-for-advancing-smart-cities.pdf
Les villes médianes – Denis Thuriot
[https://www.villesmedianes.fr/]url:https://www.villesmedianes.fr/
Trois enseignements-clés observés dans des villes de référence et directement copiables par les villes médianes françaises
Dans son travail de benchmarking international, l’OCDE s’appuie sur l’analyse de villes pionnières dans l’usage de l’IA et de la donnée urbaine – parmi lesquelles Barcelone, Helsinki, Amsterdam, New York ou encore Singapour.
Si ces territoires disposent de contextes institutionnels et de tailles très différents, l’OCDE met en évidence des logiques communes, largement transposables aux villes médianes françaises, dès lors que l’on s’intéresse aux usages plutôt qu’à l’échelle.
1. Commencer par un service essentiel, pas par une plateforme
Ce que montrent les villes analysées
À Barcelone comme à Amsterdam, les premiers usages d’IA urbaine ont été déployés sur des services essentiels : gestion de l’eau, énergie, propreté, mobilité. À Helsinki, les projets les plus matures sont directement liés à la performance des services municipaux, et non à des plateformes génériques.
Ce que peut copier une ville médiane française
choisir un service essentiel prioritaire (eau, voirie, déchets, énergie),
cibler un problème opérationnel clair (rendement, coûts, continuité de service),
construire le projet autour de cet objectif, sans lancer d’emblée une plateforme transverse.
Pourquoi cela fonctionne
Les services essentiels offrent un terrain immédiatement lisible pour les élus, les agents et les citoyens, avec un impact mesurable à court terme.
2. Utiliser l’IA comme aide à la décision, jamais comme décideur
Ce que montrent les villes analysées
À New York comme à Singapour, l’IA est principalement utilisée pour :
détecter des anomalies,
anticiper des risques,
prioriser des interventions,
simuler des scénarios d’action publique.
Dans tous les cas, la décision finale reste humaine, assumée et traçable.
Ce que peut copier une ville médiane française
positionner l’IA comme un outil d’aide aux arbitrages des services et des élus,
privilégier des modèles explicables et compréhensibles,
maintenir une validation humaine systématique.
Pourquoi cela fonctionne
Cette approche sécurise juridiquement et politiquement les projets, tout en renforçant leur acceptabilité interne et citoyenne.
3. Installer une gouvernance simple et claire dès le départ
Ce que montrent les villes analysées
À Helsinki et Amsterdam, l’OCDE souligne que la réussite des projets ne tient pas à la sophistication technologique, mais à :
une gouvernance explicite de la donnée,
des responsabilités clairement identifiées,
une articulation fluide entre directions métiers, DSI et exécutifs.
Ce que peut copier une ville médiane française
désigner un pilotage transversal « donnée & usages », même léger,
associer dès l’amont les directions métiers concernées,
clarifier qui produit la donnée, qui l’exploite et qui décide.
Pourquoi cela fonctionne
Une gouvernance lisible évite l’empilement d’outils, les projets orphelins et les blocages organisationnels, fréquents dans les démarches smart city mal structurées.
En synthèse : des pratiques internationales à portée des villes médianes
L’enseignement central du benchmarking OCDE est clair :
les villes qui transforment le mieux leur action publique ne sont pas celles qui font le plus d’IA, mais celles qui l’utilisent pour mieux décider.
Pour les villes médianes françaises, ces pratiques internationales sont pleinement copiables :
un service essentiel comme point d’entrée,
une IA au service de la décision publique,
une gouvernance simple, mais assumée.
C’est cette approche qui permet de faire du numérique urbain non pas une promesse, mais un levier durable de performance publique.