Robotisation et intelligence artificielle : menace ou opportunité ?


le Lundi 29 Mai 2017 à 15:21

Alors que les chiffres du chômage n’en finissent pas de grimper en France, de plus en plus de salariés se posent la question. Et si demain ils étaient remplacés par des robots capables de travailler jour et nuit, toute l’année, sans broncher. Ces robots sont-ils vraiment une menace ou au contraire une opportunité ? C’est la tribune qu’abordait l’économiste Charles Wyplosz dans le quotidien Suisse Le Temps, en début d’année.


Des robots dans industrie, mais aussi des hommes pour les piloter et les réparer ( photo © Herrndorff )
Des robots dans industrie, mais aussi des hommes pour les piloter et les réparer ( photo © Herrndorff )
Comme ce fut le cas pour les premiers ordinateurs personnels (PC) à la fin du siècle derniers, la robotique, l’intelligence artificielle, et plus simplement le numérique, sont régulièrement présentés comme un menace pour les salariés. D’autant que les entreprises cherchent à s’affranchir d’un Code du Travail de plus en plus contraignant qui leur empêche de réagir aux lois du marché international.
 
Tous ces appareils bientôt aussi intelligents que nous, sinon plus, ne vont-ils pas nous plonger dans le chômage ?  « On peut noircir le tableau en évoquant les guerres civiles qui éclateront un peu partout quand les masses de chômeurs désespérés n’auront plus d’autre choix que la violence pour exprimer leurs souffrances » explique l’économiste Français Charles Wyplosz.  C’est d’ailleurs ce qui a été évoqué par certains les candidats lors de la dernière présidentielle française.
 
Pour l’économiste, « les technologies déstabilisent parce qu’elles bouleversent nos vies. Elles inquiètent parce qu’elles modifient la manière dont nous travaillons. Elles provoquent des réactions parfois violentes parce qu’elles s’accompagnent de distribution différente des richesses ».
 
Mais de tout temps l’humain a craint de regarder l’avenir du monde au travers du prisme des inventions qui se faisaient jour. Quelques-un le voyaient en bleu, quand d’autres prédisaient l’apocalypse.  « Ce n’est pas nouveau. Depuis l’aube de la révolution industrielle, l’émergence de nouvelles technologies a été accompagnée de prédictions similaires », poursuit l’économiste. 
« Il est facile de conclure que de nombreuses professions vont disparaître et de créer une situation anxiogène en annonçant un chômage de masse »
Le monde continue d’avancer. Sur les chaines automobiles, les ouvriers jadis nombreux sont remplacé par des robots. Le commerce de détail a été remplacé par des supermarchés, eux-mêmes doublés  par la vente en ligne. « Il est facile de conclure que de nombreuses professions vont disparaître et de créer une situation anxiogène en annonçant un chômage de masse »,  s’indigne Français Charles Wyplosz
 
Pour ce dernier c’est tout de même aller un peu vite en besogne. S’il est certain que des professions disparaitront comme d’autres ont déjà disparu sans que personne ne s’en inquiète vraiment, la plupart seront transformées. Ce sont surtout les tâches répétitives ou pénibles qui sont remplacées par des robots assembleurs, limitant ainsi les problèmes de santé, réduisant les journées de travail, tout en augmentant les capacités de production.
 
 « La capacité de production d’un pays, ou même du monde, est limitée par un seul facteur: la main-d’œuvre », explique l’économiste.  « Ce sont les moyens de production qui s’adaptent à la quantité de main-d’œuvre, et non l’inverse ». Ce qui provoque inévitablement des dysfonctionnements.
 
Charles Wyplosz  fait observer que « plus le marché du travail est dysfonctionnel, plus de personnes sont sans emploi ». C’est pour lui l’explication entre la Suisse dont le taux de chômage est de 4,5%  alors  qu’en France il dépasse les 10%.   Ensuite certains n’ont pas les qualifications requises. On cesse de les former et ils cherchent à se recaser dans d’autres branches ce qui entraîne une augmentation temporaire du chômage.
 
Si la plupart acceptent bon gré malgré les changements technologiques, d’autres y voient un facteur d’inégalités. « La révolution industrielle du XIXe siècle a remplacé les artisans par des usines, de plus en plus automatisées. Ceux qui en ont bénéficié étaient les personnes très qualifiées comme les dirigeants d’entreprise et les professionnels,  mais aussi celles sans qualification dont les chaînes de fabrication avaient grand besoin », analyse  Charles Wyplosz . « Certes, ils étaient mal payés et les conditions de travail étaient pénibles, mais c’était mieux que dans l’agriculture dont ils venaient ».
« Ceux qui pourront produire les innombrables applications informatiques dont nous aurons besoin feront partie des gagnants » 
Pour l’économiste, ceux qui ont le plus perdu, ce sont les classes moyennes et notamment les artisans, dont les métiers ont disparu. «  Au siècle dernier les activités sont devenues plus complexes et moins routinières, les tâches administratives se sont développées ». Ce sont donc les personnes les moins qualifiées qui se sont retrouvées à la rue, leurs enfants remplissant les bancs des grandes écoles pour éviter qu’ils soient plongés dans la même situation, sans pour autant leur garantir un emploi à la sortie.
 
Alors à quoi devons-nous nous préparer  dans les prochaines décennies ?  Pour l’économiste Français, il est évident que des taches seront prises en charge par les robots, les rendant du même coup obsolètes.
 
« Ceux qui pourront produire les innombrables applications informatiques dont nous aurons besoin feront partie des gagnants », observe l’économiste. « Mais aussi ceux qui sont créatifs ou qui doivent réagir aux émotions  tels que les commerciaux ou les agents de sécurité, par exemple, aux événements inattendus  tels que les chirurgiens ou les policiers ».
 
Alors la robotisation est-elle une opportunité ou une menace ?  «  Il ne faut pas perdre de vue que le progrès technologique est à la fois une opportunité et une menace. Une menace pour certains et une opportunité pour tous », conclut Charles Wyplosz. « Sur les 150 dernières années, le niveau de vie a été multiplié par dix en Suisse. Il avait été multiplié par quatre au cours des deux millénaires précédents. Aux gagnants de compenser les perdants ».

Source Le Temps  





              

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