La ville de demain ne pourra pas se construire sans l’intelligence des citoyens


le Jeudi 27 Décembre 2018 à 08:52

Pour bon nombre d’élus locaux la ville intelligente est celle qui sait mettre en place des outils de gestion efficiente des ressources et qui offrent des services, le plus souvent technologiques, répondant aux besoins des usagers. Si la démarche est intéressante ils oublient trop souvent d’y associer les habitants, les travailleurs et les visiteurs. Pourtant c’est bien de leur intelligence que naitra la ville de demain.


De plus en plus de citoyens souhaitent s'investir dans le processus de décision (Photo Adobe Stock)
De plus en plus de citoyens souhaitent s'investir dans le processus de décision (Photo Adobe Stock)
Habiter un quartier agréable, vivre en parfaite harmonie avec ceux qui nous entourent, se déplacer facilement tout en respirant un air pur, ou presque, trouver du travail et des commerces à proximité, profiter d’espace verts, de loisirs et de culture, le tout sans payer des taxes trop élevées, c’est la qualité de vie à laquelle aspirent les habitants des zones urbaines
 
Apparu en 1980, en Asie du sud-est, à Singapour, le concept de Smart City (ville ingénieuse, créative, intelligente, …) s’appuie sur le développement de moyens, le plus souvent technologiques, et de solutions capables de répondre aux besoins de la population tout en préservant les ressources et l’environnement. C’est la concentration de plus en plus importante des individus dans les villes, - 70% de la population à l’horizon 2050 -, qui amène les élus locaux à chercher à préserver et optimiser les ressources et l’organisation de la ville. Les outils numériques et la masse de données qu’ils génèrent permettent, à la collectivité, mais aussi à des services associés dans le cadre de projet « open data », de gérer plus finement et d’agir sur les leviers économiques, environnementaux, citoyens, …
 
La ville telle qu’on peut l’imaginer demain se présente donc comme un enjeu sociétal, politique et environnemental que les gestionnaires des villes, des métropoles doivent accompagner en optimisant les coûts, l’organisation et le bien-être des habitants. Vaste programme qui doit impérativement être mis en place pour et avec les habitants. 
 
Mais nos édiles, toutes orientations politiques confondues, élus pour une durée limitée, celle de leur mandature, ont une fâcheuse tendance à penser que ce qui est bien pour eux, le plus souvent ce qui doit leur permettre de conforter leur place, est bon pour le reste de la population. Au point que certains, oublient qu’ils sont au service des citoyens de leur ville et pas l’inverse. A eux donc, de prendre les décisions qu’impose leur fonction, même si elles ne sont pas toujours bonnes. Certaines endettant parfois la collectivité pour plusieurs décennies. 
 
L’actuel mouvement des « gilets jaunes » qui réclame l’adoption d’un système de Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC), - un processus de démocratie participative qui permet au peuple de statuer sur un projet de loi -, démontrent que les citoyens sont de plus en plus nombreux à souhaiter s’impliquer dans le processus décisionnaire. Au niveau des collectivités territoriales, le Référendum d’Initiative Locale (RIL) permet à l’exécutif local d’organiser un référendum portant sur un projet de texte relevant de sa compétence. Mais il est rarement utilisé, car plus qu’être consultés, de plus en plus de citoyens veulent peser sur les décisions. 
 
« Changeons de perspective d’analyse, portons un regard critique et autonome sur l’action des groupes organisés de la société »

 En effet, les affaires politico-financières, les petits arrangements entre amis, qui font régulièrement la une des journaux viennent bousculer nos repères et obligent les citoyens de tous horizons à revoir leur manière d’appréhender le monde, d’approprier la vie et de s’engager dans la citoyenneté. Hier une grande partie de la population, résidant dans les quartiers populaires et les campagnes, n’avait pas le savoir et n’avait pas accès à l’information. Aujourd’hui grâce en particulier à Internet et aux études de plus en plus longues, le peuple possède le savoir et l’intelligence qui lui permettent de se prévaloir de valeurs fortes que sont la dignité, l’humanisme et l’intérêt collectif. Le monde devient plus collaboratif et l’intelligence n’est plus l’apanage, si tant est qu’elle ait pu l’être, des catégories sociales dominantes.
 
Il n’est donc n’est pas rare de voir émerger de nouvelles compétences citoyennes, telles que la pensée critique, la démarche contextuelle, l’habilité du langage et des capacités de communication, même chez les plus démunis, lesquels sont désormais en capacité d’inventer le monde de demain. « L’avenir appartient à ceux qui ont des mots et qui savent en bonne intelligence les opposer comme remparts aux maux de l’indigence », écrivait l’auteur Haïtien militant Erno Renoncourt, à propos du fonctionnement de son pays. Pour ce dernier il était même temps de « repenser la citoyenneté pour définir une nouvelle société ». Des citations qui peuvent s’appliquer à notre pays, ses villes et territoires.
 
Alors plus qu’un référendum dont le résultat, tout comme les sondages d’opinion, risque d’être influencé par l’émotion consécutive à un événement, sans avoir le recul nécessaire, ou l’avis du plus fort, les citoyens doivent pouvoir s’investir dans le fonctionnement et l’aménagement du territoire, par le biais d’associations, de collectifs, ... Et encore plus en local. Sans attendre que les élus les sollicitent en inventant le plus souvent des structures qu’ils peuvent contrôler, c’est à eux de prendre leur destin en main. 
 
Mais, leurs propositions doivent être entendus par des élus locaux qui doivent les associer sans réserve aux projets de recherche d’économie, de fonctionnement et d’aménagement de la ville dans laquelle chacun vit et travaille. « Mais ils n’ont pas la compétence pour comprendre comment fonctionne la ville », avait osé me dire un élu local, oubliant un peu vite qu’avant d’être élu, il était lui aussi un simple citoyen, sans compétence et sans expérience. 
 
« Changeons de perspective d’analyse, portons un regard critique et autonome sur l’action des groupes organisés de la société et sur le leadership qui nous représente » poursuivait Erno Renoncourt « Engageons-nous, organisons des débats pour surmonter les contradictions et jeter les bases d’une nouvelle société. On n’a pas besoin d’être au pouvoir pour changer son pays », ou le territoire sur lequel nous avons décidé de vivre. 
 
Inutile d’imaginer une ville technologique, avec des logements économes en énergies, des moyens de transports respectueux de l’environnement et des caméras de surveillance à chaque coin de rue, si les habitants n’ont pas apporté leur regard éclairé sur le fonctionnement même de la ville. L’intelligence dont ils font preuve au quotidien vaut bien celle des édiles qui gèrent la ville, le plus souvent enfermés dans un carcan politicien et administratif. C’est ensemble que nous réussirons la ville de demain, avec les idées des uns et des autres, pas les uns contre les autres. Et comme le disait John Fitzgerald Kennedy, président des USA, lors de son discours d’investiture du 20 janvier 1961 : « Vous qui, comme moi, êtes Américains, ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Une citation qui n'a pas pris une ride et qui peut s’appliquer à la France et ses territoires. 





              


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