Le futur de notre système de santé se trouve-t-il dans l'IoT ?


Rédigé par Damien Rougeux, le Lundi 12 Février 2018 à 07:34

Le Journal Officiel a publié le 6 décembre dernier un arrêté qui bouscule le remboursement de l’apnée du sommeil. Pour la première fois, les prestataires de santé à domicile sont fortement incités à équiper de solution de télésuivi tous leurs patients atteints d’Apnée du sommeil. Analyse d’un projet de santé connectée qui concerne tout de même 1,5 million de patients en France.


L'apnée du sommeil touche 1,5 millions de personnes en France (Photo Sciences et Avenir)
L'apnée du sommeil touche 1,5 millions de personnes en France (Photo Sciences et Avenir)

L’arrêté concernant le télé-suivi des patients atteints d'apnée du sommeil initialise un nouveau schéma de remboursement qui bouscule la profession des prestataires de santé à domicile. En effet, le forfait unique de remboursement de la prestation médicale relative à l’utilisation de l’Appareil de Pression Positive Continue (PPC) est remplacé par huit forfaits qui varient selon deux facteurs : l’observance du patient et son télésuivi.

Ainsi, les prestataires de santé à domicile sont amenés à s’organiser pour équiper tous leurs patients de solutions de télésuivi : ils déploient actuellement le premier grand projet de santé connectée à l’échelle nationale. Quelle a été la motivation du gouvernement français pour déployer un chantier d’envergure de suivi connecté des patients à domicile ? Pourquoi l’apnée du sommeil a-t-elle été son terrain d’élection ?

L’apnée du sommeil est caractérisée par une interruption de la respiration pendant le sommeil provoquant une chute du taux d’oxygène dans le sang, un stress de l’organisme et des réveils tout au long de la nuit. Le sommeil n’est plus réparateur et le patient devient somnolent, jusqu’à l’empêcher de conduire en sécurité. Elle affecte donc autant l’espérance de vie que la qualité de vie des patients, lorsqu’ils ne sont pas diagnostiqués ou lorsqu’ils ne suivent pas correctement leur traitement. Cette pathologie respiratoire touche 1,5 millions de français et sa prévalence augmente avec l’âge. Les dépenses publiques associées au traitement de cette pathologie atteignent 800 millions d’euros et progressent d’environ 15% par an. Cette évolution régulière s’explique d’une part par le vieillissement et l’augmentation du surpoids de la population, d’autre part par un diagnostic de plus en plus fréquent.


L’adoption du télésuivi de l’apnée du sommeil

Le télésuivi permet de recueillir des données de santé au domicile des patients au moyen de leurs dispositifs médicaux qui les collectent pour les transmettre aux professionnels de santé avec le consentement informé des patients. Sa mise en place requière une collaboration active des professionnels de santé, des fabricants de dispositifs médicaux, des éditeurs de logiciels, ainsi que des professionnels de l’IoT qui apportent une expertise pour l’interopérabilité de l’ensemble des solutions.

Dans le cas de l’apnée du sommeil, les prestataires de santé à domicile perçoivent le télésuivi comme « un pas de plus en faveur de l’observance des patients et donc vers l’amélioration de leur qualité de vie et la réduction des complications et des accidents liés au syndrome d’apnée du sommeil ». En effet, adopter l’appareil de PPC est compliqué : les patients rencontrent souvent des difficultés pour l’installation de leurs masques, lesquels entraînent des sécheresses ou des marques rouges pouvant conduire les patients à abandonner leur traitement.

Le télésuivi permet aux professionnels de santé de mieux suivre et conseiller leurs patients. Ceux-ci sont également majoritairement (74%) en faveur du télésuivi selon une enquête menée par l’Alliance apnées du sommeil et la Fédération française des associations et amicales de malades insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAAIR). Le télésuivi est bénéfique pour l’ensemble des parties prenantes car il favorise la personnalisation du traitement des patients et l’optimisation des processus professionnels des prestataires de santé, ce qui conduit à une diminution des dépenses publiques de l’ordre de 10%.

La procédure d’édiction de la nouvelle nomenclature

L’arrêté du 16 décembre 2017 est le dernier épisode, à ce jour, d’une saga juridique. Déjà en 2013 un arrêté prévoyait le conditionnement du remboursement du patient à une utilisation effective de l’appareil. En 2014 le Conseil d’État a annulé l’arrêté au motif que « la loi n’avait pas donné compétence aux ministres pour subordonner, par voie d’arrêté, le remboursement du dispositif PPC à une condition d’utilisation effective par le patient ».

La Haute juridiction administrative n’avait donc pas jugé le texte sur le fond. Le projet est revenu en 2017 après que le législateur lui a donné une base légale sur le fondement de la loi de financement de la sécurité sociale. Les pouvoirs publics ont tout de même revu leur copie afin prendre davantage en compte l’intérêt des patients et des professionnels de santé qui ont été associés à l’écriture de l’arrêté du 16 décembre 2017 par voie de concertation. Le nouveau schéma de remboursement présente désormais des garanties de pérennité permettant une meilleure organisation de l’écosystème industriel, prérequis indispensable de ce projet de santé connectée.


Le télésuivi de l’apnée du sommeil : un cas d’application emblématique

Les prestataires de santé à domicile fournissent aux patients des prestations d’assistance respiratoire, perfusion, nutrition et insulinothérapie. Le télésuivi d’autres pathologies respiratoires et des maladies chroniques nécessitant des équipements à domicile tel que le diabète bénéficierait également des avantages médico-économiques du télésuivi. C’est le sens des expérimentations proposées par la Direction Générale de l’Offre de Soins pour le remboursement de la télésurveillance de trois pathologies : insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire et insuffisance rénale. La santé connectée est l’une des réponses au futur de la santé publique : des soins mieux ciblés et moins coûteux, ainsi qu’une relation patient médecin enrichie.

Damien Rougeux,
Directeur de l’exploitation, SRETT






              


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