Réchauffement climatique : quel avenir pour les stations de sports d’hiver ?


le Lundi 9 Janvier 2023 à 14:30

Avec peu ou pas de neige pendant les vacances de Noël à cause d'un hiver particulièrement doux, l’avenir des stations de sports d’hiver de moyenne montagne est-il compromis, comme l'analyse le web magazine Outside dans un dossier très complet ? Les stations françaises sont-elles condamnées à fermer où à se réinventer ? C’est la question que se posent les collectivités territoriales, gestionnaires de stations qui attirent chaque année des milliers de skieurs.


Vue d'une webcam de la Clusaz (Haute-Savoie), le 31 décembre 2022
Vue d'une webcam de la Clusaz (Haute-Savoie), le 31 décembre 2022
Peut-on dire que c’est bientôt la fin du ski en France ? « Ça dépend où on regarde, à quelle échéance, quel scénario de gaz à effet de serre sera suivi et quelles pratiques on observe », répond à « Outside  », Loïc GIACCONE, chercheur associé à l’Université de Georgetown (USA) auprès de l’économiste Gaël Giraud et originaire des Hautes-Alpes. « J’ai l’impression que les mises à jour récentes du modèle climatique tendent vers un peu plus de réchauffement que ce que l’on pensait, en tout cas au niveau de la France. Je ne sais pas trop ce que ça donnera en 2050. Mais ce qui est sûr c’est que dès 2030/2050, ça peut devenir compliqué pour certaines stations à basse altitude et à moyenne altitude ».
 
Si des moyens très couteux existent pour maintenir un manteau neigeux suffisant pour la pratique du ski sur la plupart des massifs, le réchauffement climatique dont nous commençons à mesurer les premiers effets risque de compromettre le modèle économique de la plupart des stations de sports d’hiver. A moins qu’elles se réinventent et proposent d’autres activités susceptibles d’attirer les amoureux de nature sauvage, ou presque, toujours plus nombreux.
 
Certes Noël n’est pas la meilleure période pour aller faire du ski, l’enneigement n’étant pas toujours à la hauteur. Mais il semble bien que cette année nous ayons atteint des sommets, certaines stations et notamment celle de basse et moyenne montagne n’ayant pas pu ouvrir ou avec des pistes fermées aux skieurs. Et même si de la neige est annoncée pour février, souvent plus favorables, l’hiver trop doux que nous connaissons risque bien de réduire la durée d’ouverture de certaines stations. La valeur de l’or blanc qui a pu permettre à de nombreuses stations alpines de s’enrichir pourrait, si les températures continuent de grimper, perdre de sa valeur.
 
« Persister dans les vieux modèles économiques ou oser un vrai virage en acceptant un avenir moins lucratif afin de remettre la nature au centre de nos vies ». 

 « Et si on admettait enfin que la poule aux œufs d’or est épuisée ? Qu’elle a un sérieux coup dans l’aile et que pleurer sur la neige fondue est improductif ? » questionne Coralie HAVAS, dans Outside. « Pas facile au vu des milliards que l’industrie du ski, largement soutenue par les deniers publics, a générés au cours des six dernières décennies. Douloureux pour tous ceux dont le quotidien en dépend aujourd’hui. L’heure n’est plus aux lamentations, mais aux changements ». 
 
Au vu de l’enneigement de ce début d’année et ce qui se profile à l’horizon en matière de réchauffement climatique, quelles sont les solutions qui permettrait aux stations qui ont tout misé sur l’or blanc, de s’en sortir ?  « Persister dans les vieux modèles économiques à coup de subventions et au détriment de l’environnement, ou oser un vrai virage et, sans se voiler la face, accepter un avenir moins lucratif afin de remettre la nature au centre de nos vies ? » poursuit Coralie HAVAS. Des solutions existent mais sont-elles pour autant durables rien n’est moins sûr selon de dossier d’Outside.
 
Le ski c’est une poule aux œufs d’or qui génère une économie de 10 milliards d’économie en France. Raison suffisante pour que certaines collectivités s’entêtent en installant des canons à neige ou en pratiquant le « snowfarming, » c’est-à-dire en produisant de la neige de culture utilisable quand il ne neige pas ou pas assez. Des solutions énergivores, au bilan carbone plutôt désastreux, et qui ne fonctionnent que si la température reste malgré tout assez basse. 
 
D’autres sont déjà passé à l’action en modifiant leur domaine skiable, comme c’est le cas à Valloire, une station située entre les cols du Télégraphe et du Galibier, en Maurienne. « En-dessous de 2000 mètres d’altitude, le ski n’a pas d’avenir, surtout pour les expositions sud » commente Jean-Marie Martin, le patron de la Société d’Économie Mixte (SEM) de Valloire. « On abandonne 20% de notre domaine à basse altitude pour le translater en altitude ». Les pistes les plus basses vont donc fermer au profit de quatre autres situées au-dessus de 2000 m. Mais cette opération qui coute tout de même 8 millions d’euros à la station, risque de n’être qu’un pis-aller, puisque certains experts prédisent que l’enneigement de nos montagnes pourrait d’ici à 2050, se réduire à peau de chagrin et uniquement sur les sommets en des lieux où pratiquer le ski est réservé à l’élite de la poudreuse. Certains massifs comme l’Auvergne, le Jura et les Vosges pourraient voir l’activité hivernale complètement disparaitre faute de neige régulière.
 
« Soyons lucides, en termes de business, le « quatre saisons » ne va pas encore rapporter autant que la neige ».

Reste le modèle quatre saisons qui abandonne le ski pour un modèle qui ne nécessite pas la présence d’un manteau neigeux pour profiter de l’air vivifiant de la montagne. Certaines stations s’y sont déjà essayées avec plus ou moins de succès. 
 
« On compte vivre encore longtemps du ski, tout en se posant les bonnes questions, pour anticiper le moment où cette activité sera moins régulière », explique Jean-Christophe HOFF, directeur des remontées mécaniques de la Clusaz, en Haute-Savoie. « En impliquant la population active et en développant ces expériences, peut-être que demain, on choisira la Clusaz car c’est une destination qui a du sens et où l’on vit autre chose. C’est un atout que nous possédons et qui fait que nous avons plus de facilités que d’autres à s’engager dans cette diversification ». 
 
Les stations comme la Clusaz misent sur l’ambiance village de montagne, conservée, avec ou sans neige, avec une offre touristique qui complètent le ski comme la randonnée VTT. Elles misent sur l’implication des acteurs locaux avec des visites des fermes d’alpage, des ateliers de fabrication du reblochon, des zones d’apiculture. Le cadre est idéal pour organiser des festivals culturels. 
 
« Soyons lucides, en termes de business, le « quatre saisons » ne va pas encore rapporter autant que la neige », poursuit le chercheur Loïc GIACCONE. Mais des stations ont déjà pris en considération le réchauffement climatique. C’est le cas de Métabief, une station du Jura, habituée aux aléas climatiques en matière de chutes de neige, considérée comme pionnière européenne en la matière. Cette dernière maintien ses remontées mécaniques, au lieu de les renouveler, tout en développant des activités outdoor (VTT, trail, etc.) avec une mise en valeur du patrimoine naturel et culture. Un moyen, pour les acteurs locaux, de limiter la casse.
 
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