#Coronavirus : Et si le suivi de nos déplacements était la prochaine étape


le Lundi 30 Mars 2020 à 16:02

Suivre nos déplacements, pour mieux cerner la propagation du Covid-19, grâce à la localisation du téléphone portable que chacun a dans la poche, le sujet est délicat et pourrait facilement faire polémique. Un comité de scientifique planche sur le sujet et les opérateurs de réseaux par lesquels passent les informations, affirment que c’est tout à fait possible. Nos libertés individuelles risquent-elles de s’en trouver écornées ?


Etudier le déplacement des personnes infectées et celles avec lesquelles elles sont en contact afin de mieux cerner l'épidémie. Une pratique mise en place en Asie et dans certains pays d'Europe, difficile à mettre en place en France (Photo Adobe Stock)
Etudier le déplacement des personnes infectées et celles avec lesquelles elles sont en contact afin de mieux cerner l'épidémie. Une pratique mise en place en Asie et dans certains pays d'Europe, difficile à mettre en place en France (Photo Adobe Stock)
Savoir comment se propage une épidémie à partir de personnes identifiées comme porteuses afin d’anticiper les prises en charges ? La question taraude les collectivités locales et les services de santé, face aux mesures prises à la hâte et de manière totalement désorganisées par ceux qui dirigent le pays. Ces derniers n’ayant alors pas d’autres solutions que de bloquer le pays avec les conséquences économiques et sociales que cela entraine.  
 
Selon la Présidence de la République, un comité de scientifique, le CARE (Comité Analyse Recherche et Expertise) a été créé le 24 mars dernier pour accompagner le gouvernement sur « l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ». La formulation est on ne peut plus prudente, mais l’utilisation des données mobiles pour mieux cerner l’épidémie du coronavirus est bien sur la table.
 
« Il s’agit d’agrégats statistiques compilées à l’échelle de portions du territoire, permettant savoir combien de personnes se trouvent en un lieu à une date donnée ».

 Si l’idée est au demeurant intéressante, elle n’est pour autant facile à mettre en œuvre dans un pays très attaché aux libertés individuelles, même si cela pourrait fonctionner comme l’a affirmé le président d’Orange : Stéphane Richard, ses services ayant publié des chiffres indiquant que 17% de la population du Grand Paris (1,7% millions d’habitants) avaient quitté leur résidence habituelle lors de l’annonce du confinement. Ces chiffres ont permis d’établir que la géolocalisation des mobiles permettait d’étudier facilement les mouvements de populations sans pour autant avoir accès aux données personnelles contenues dans ces mobiles. Ce qui reste conforme aux préconisations de la CNIL, en la matière. 
 
« Il s’agit d’agrégats statistiques compilées à l’échelle de portions du territoire, permettant savoir combien de personnes se trouvent en un lieu à une date donnée, et ainsi pouvoir connaître l’évolution de la population sur chacune d’entre elles », précise l’opérateur. 
 
Le principe n’est pas nouveau. Une expérience allant dans ce sens, baptisée Ur-MoVe  (Urban Mobility Visualizer), a été développée en 2017 par Nicolas GUTOWSKI, enseignant à l’ESEO (Ecole Supérieure d’Electronique de l’Ouest). Elle permettait également d’étudier les déplacements des mobiles pour prédire la mobilité dans la ville. 
 
Ce qui encourage les chercheurs à poursuivre dans ce sens c’est le fait que le principe a été appliqué en Corée du sud, pour gérer avec succès, la pandémie du Covid-19, sans avoir recours au confinement. Idem en Chine où les opérateurs China Mobile, China Telecom et China Unicom , ont fourni au ministère de l’Industrie et des Technologies et aux autorités de santé les données de localisation de leurs utilisateurs ayant transité par la province d’Hubei au début de la crise, selon le Wall Street Journal

Simulation proposée par le site So Digital Issy Media
Simulation proposée par le site So Digital Issy Media
« Les pays asiatiques semblent à même de reconsidérer deux enjeux à l’aune des opportunités et risques de la révolution numérique », précisait récemment Gilles Babinet, spécialiste des questions numériques, sur le blog de l’Institut Montaigne . « Le premier est un modèle de gouvernance. Si les données permettent une plus grande réactivité, il est important de réduire la chaîne de commandement et tout à la fois de la centraliser, et d’introduire de l’autonomie et de la subsidiarité. Le deuxième est l’importance accordée à la technologie ». 
 
Si le modèle chinois en matière de liberté pose toujours question, Taïwan sont des Etats démocratique qui savent faire abstraction, sans que la population bronche, de certaines libertés individuelles au profit du bien commun. En Europe, d’autres pays tels que l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, la Pologne semblent suivre le même chemin. 
 
« Nous assistons à une nouvelle illustration du fossé qui sépare les Français de leurs dirigeants »

 En France, le sujet est tellement sensible que le Président a préféré le confié au CARE. Cette commission composée d’experts de la Recherche et de la médecine, va prendre l’avis de la communauté scientifique pour estimer l’utilité ou non d’avoir recours aux données de déplacements. Seule ombre au tableau les opérateurs et experts des télécommunications n’ont pas été invités à y participer.
 
La question a également été soulevée par plusieurs parlementaires, dont député LR Bruno Retailleau, lesquels proposaient de faciliter les procédures de collectes et de traitement de données   pour une durée limitée à 6 mois. Une proposition rejetée d’autant qu’elle « est inenvisageable dans l’état actuel de notre droit », soulignait Éric Bothorel, référent numérique à LREM. « L’hypothèse d’un traçage des données pour lutter contre l’épidémie de coronavirus, n’est pas dans la culture française nous n’y travaillons pas », a même ajouté le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, trois jours après l’annonce de la création de ce Comité d’experts.
 
Alors, à quoi bon mettre en place ce comité d’expert ? « Nous assistons à une nouvelle illustration du fossé qui sépare les Français de leurs dirigeants ( l’État NDLR ) », souligne Issy Media, Société d’Economie Mixte de la Ville d’Issy-les-Moulineaux, dans l’une de ses publications. « Pourquoi les chiffres des cas de coronavirus ne sont-ils donnés qu’à l’échelle régionale ? Pour éviter d’effrayer et de créer la panique ? Cela ne sert pourtant que le complotisme et la rumeur. Parions que ceux qui continuent à prendre le confinement à la légère changeraient de comportement s’ils savaient des cas étaient identifiés dans leur ville ou leur quartier ».  Et d’ajouter « C’est parce que les dirigeants ne font pas confiance au peuple que celui-ci ne leur fait pas confiance et qu’un consensus autour de la question de l’utilisation des données de déplacement a peu de chance d’aboutir ».
 
Fer de lance d’une ville du Grand Paris, très en pointe en matière de transition écologique et numérique, Issy Media relève que, « sans verser les travers totalitaires que le numérique permet aussi, le débat qui permettrait de faire de notre pays un État moderne, mais aussi en Europe, devrait avoir lieu » et de conclure : « Mais n’est-ce pas déjà trop tard ? »





              

Energie | Mobilité | Habitat | Aménagement | Environnement | e-Santé | Règlementation | Consommation | Société


vignette adhésion Banniere Don