Une innovation low-tech née de la recherche et du bon sens
À l’heure où l’électronique envahit les usages du quotidien, les piles alcalines restent omniprésentes : télécommandes, jouets, capteurs, systèmes de sécurité, maintenance urbaine… Elles constituent l’un des consommables invisibles du numérique. Invisibles… mais massifs : des milliards d’unités sont consommés chaque année en Europe, souvent jetées alors qu’elles conservent encore une partie de leur charge.
C’est précisément ce constat qui a donné naissance à RegenBox. « RegenBox permet de régénérer les piles alcalines jetables », explique Cédric Carles. « L’idée est simple : redonner une seconde vie à des piles que l’on pensait usées. » La technologie, développée sur la base de travaux anciens remis au goût du jour, a été industrialisée en France, à Orléans. Un choix assumé, qui s’inscrit dans une volonté de souveraineté technique et industrielle.
Mais au-delà de la prouesse, RegenBox porte une philosophie : montrer que la transition écologique passe aussi par des gestes concrets, réplicables et accessibles à tous. « Nous voulons remettre un geste de sobriété entre les mains des citoyens », résume le co-fondateur. Une sobriété active, qui ne renonce pas au confort, mais qui révèle les marges de manœuvre parfois évidentes que nous avons collectivement oubliées.
Pourquoi les collectivités s’y intéressent autant ?
L’intérêt des collectivités territoriales pour RegenBox a été immédiat. Le dispositif coche toutes les cases des enjeux locaux : réduction des déchets, maîtrise des dépenses publiques, éducation à l’environnement, protection des ressources. « Une pile régénérée, c’est une pile de moins à acheter », rappelle Cédric Carles. À l’échelle d’une école, d’une médiathèque ou d’un service technique municipal, les volumes sont considérables.
Installer une borne dans un lieu public offre aussi un avantage symbolique fort : il matérialise l’engagement écologique. Dans les rapports RSE, les PCAET ou les bilans d’économie circulaire, ces données deviennent immédiatement valorisables.
C’est l’une des forces du dispositif : il transforme un sujet invisible en action concrète, mesurable et partagée.
L’expérience de Tours : révéler ce que contiennent vraiment les bacs de collecte
En 2024-2025, une opération pilote menée à la Ville de Tours et à la Bibliothèque centrale a permis de mesurer la réalité du terrain. Les équipes de RegenBox ont analysé la moitié d’un bac de collecte, soit 1 524 piles. Les résultats ont surpris tout le monde :
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132 piles neuves, encore à plus de 1,5 V ;
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300 piles réutilisables, entre 1,3 et 1,5 V ;
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402 piles régénérables, entre 0,9 et 1,3 V ;
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690 piles réellement hors service, sous les 0,9 V.
Autrement dit, près de la moitié des piles déposées dans le bac auraient pu être réutilisées ou régénérées. Un gaspillage considérable, rendu invisible par l’usage généralisé du jetable. Cette opération met en lumière l’enjeu principal : apprendre à mieux trier, mieux mesurer et mieux valoriser les consommables énergétiques.
Mais elle a aussi révélé une alerte de sécurité majeure : la présence croissante de piles au lithium dans les bacs classiques, alors qu’elles n’ont rien à y faire. Ce mélange constitue un risque réel : un simple court-circuit peut provoquer un départ de feu. « Nous observons une augmentation inquiétante de ces incidents dans les centres de tri », prévient Cédric Carles.
Ces constats conduisent RegenBox à travailler sur des solutions de signalétique, de tri et d’information citoyenne. Une dimension qui dépasse largement la régénération, et qui touche désormais à la prévention des risques.
Pourquoi RegenBox est aussi un projet numérique
Régénérer des piles pourrait sembler éloigné des questions numériques. Mais c’est tout l’inverse, explique le co-fondateur :
« Les piles sont au cœur du numérique. Elles alimentent nos capteurs, nos objets connectés, nos dispositifs de maintenance. Agir sur les piles, c’est réduire l’empreinte matérielle du numérique à la base. »
Dans un contexte où les collectivités équipent toujours plus de capteurs environnementaux, de systèmes de sécurité, d’instruments de suivi ou d’objets IoT, les consommables associés deviennent un poste de dépense et d’émissions non négligeable.
La démarche s’inscrit aussi dans une logique de souveraineté des ressources : en mars 2025, la Commission européenne a classé le manganèse, composant essentiel des piles alcalines, parmi les 20 métaux stratégiques du continent. Régénérer ces piles revient donc à préserver une ressource critique et à limiter la dépendance industrielle.
Des données pour les villes : la régénération devient un outil de pilotage
L’un des aspects les plus innovants du projet réside dans sa capacité à produire de la donnée environnementale. Chaque borne RegenBox enregistre :
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le nombre de piles régénérées,
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les types de piles,
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les cycles réalisés,
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les équivalents CO₂ évités,
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les litres d’eau non consommés.
Ces données sont consolidées dans des tableaux de bord destinés aux collectivités. Elles alimentent ensuite les bilans d'économie circulaire, les stratégies climat-air-énergie ou les suivis internes des services techniques. Dans un contexte où les territoires doivent justifier leurs actions et mesurer leurs résultats, cette traçabilité environnementale est un atout déterminant.
On retrouve ici l’incarnation concrète d’une ville intelligente : connectée non pour surconsommer, mais pour mieux maîtriser ses ressources.
Un impact environnemental massif à grande échelle
Les bénéfices écologiques de la régénération sont majeurs et faciles à quantifier :
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145 g de CO₂ évités par pile,
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200 litres d’eau économisés par cycle de vie prolongé.
Sur les quatre prochaines années, RegenBox ambitionne de sauver plus de 50 millions de piles, soit :
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6 500 tonnes de CO₂ évitées,
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10 millions de m³ d’eau préservés.
Des chiffres qui illustrent le potentiel de cette approche low-tech, mais aussi sa capacité à changer la donne au niveau industriel. Rien qu’en 2025, le parc de boîtiers et de bornes déjà installés a permis d’estimer 100 000 piles sauvées, selon Cédric Carles – une estimation volontairement basse, précise-t-il.
Souveraineté, résilience et relocalisation industrielle
Au-delà des impacts environnementaux, RegenBox porte une dimension stratégique : reprendre la main sur l’approvisionnement en consommables énergétiques. Cela passe par la relocalisation de la fabrication, par la maîtrise de la technologie, mais aussi par la valorisation d’un geste citoyen et territorial.
« Il ne s’agit pas d’opposer innovation et sobriété », insiste Cédric Carles.
« Nous voulons les concilier. Régénérer, c’est prolonger, c’est maîtriser, c’est rendre à la technologie une dimension utile et durable. »
Dans un monde dépendant de chaînes logistiques lointaines et parfois fragiles, disposer localement d’une capacité de régénération apparaît comme une forme de résilience.
L’industrialisation : une nouvelle étape avec NGE
Pour changer d’échelle, RegenBox a trouvé un partenaire stratégique : NGE, via sa Direction Innovation. Ensemble, ils imaginent un réseau national de collecte, s’appuyant sur la capacité opérationnelle et territoriale du groupe.
Cette collaboration ouvre la voie à une filière industrielle complète :
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collecte intelligente,
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tri adapté,
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régénération massive,
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intégration dans les écosystèmes urbains.
« Et si, demain, chaque lieu public était équipé de nos boîtiers ? », propose Cédric Carles.
L’ambition est claire : faire de la régénération un réflexe national, inscrit dans la vie quotidienne autant que dans les stratégies territoriales.
Une petite boîte pour une grande idée
À l’heure où les villes s’interrogent sur la place du numérique, sur la sobriété énergétique ou sur la gestion de leurs ressources, RegenBox apparaît comme une brique essentielle d’une stratégie plus large. Une solution modeste en apparence, mais dont les effets cumulés sont puissants.
« RegenBox ne régénère pas seulement des piles, conclut son co-fondateur. Elle régénère du bon sens, de la confiance et une forme d’intelligence collective. »
Une vision de la ville intelligente qui ne repose pas sur la surenchère technologique, mais sur une compréhension fine des usages, des ressources et des comportements. Une vision qui rappelle que l’innovation la plus durable est parfois celle qui nous ramène à l’essentiel.













