AKEO : immersion dans une communauté de consom’acteurs solidaires


le Vendredi 27 Décembre 2019 à 09:23

Un patron survolté, bondissant sur la scène d’une salle chauffée à blanc, en lançant des messages aux 1000 conseillers invités à un séminaire de motivation organisé au Center Parc en Sologne, rien de bien nouveau dans le monde merveilleux de l’entrepreneuriat. On y parle de valeurs humaines, de partage des ressources et de travail collaboratif. Bienvenue chez AKEO, entreprise française, leader européen de la vente directe pour l’entretien de la maison, la mode, les accessoires, les soins et beauté, la téléphonie... qui assure des compléments de revenus à plusieurs milliers de citoyens français et européens chaque année. Un moyen d'envisager la crise autrement.


André-Pierre Alexandre, s'adressant aux conseillers ayant atteint le niveau club, lors du séminaire de Center Parc, le 7 décembre dernier
André-Pierre Alexandre, s'adressant aux conseillers ayant atteint le niveau club, lors du séminaire de Center Parc, le 7 décembre dernier
L’histoire d’AKEO, une centrale d’achat et de vente directe installée en Normandie, entre Rouen et Paris, remonte à l'année 2001. Le concept est lancée par un certain André-Pierre ALEXANDRE, un ancien VDI (Vendeur à Domicile Indépendant) du GEPM (Groupement Européen des Professionnels du Marketing) dit « le Groupement », un empire commercial de vente directe, aux pratiques controversées, installé près de Rouen dont le patron, Jean Godzich, avait fuit en Arizona (USA) après une banqueroute. Lourdement condamné en 2006 par le tribunal correctionnel d’Evreux pour abus de biens sociaux, il est rattrapé par la justice et incarcéré en juin 2016.
 
De ce passage par le GPEM, André-Pierre ALEXANDRE en a gardé les grands principes : une centrale d’achat française, qui propose des produits éthiques, pour la plupart fabriqués en France, en circuit court, ouverte à tous, par le biais de conseillers, vendeurs à domicile indépendants, lesquels peuvent devenir des chefs d’entreprise et animateurs de leur propre réseau de distributeurs et clients, le plus souvent des proches, famille et amis. Si tout est mis en œuvre (séminaires, rassemblements, voyages…) pour inciter les conseillers à faire toujours mieux, personne n’est contraint et forcé, même si dans les messages distillés lors des séminaires et autres conventions, comme celui dernièrement organisé au Center Parc de Sologne, tout est fait pour inciter les conseillers à vendre et augmenter leur marge financière et celle de l'entreprise. « Rien de plus que dans n'importe quelle entreprise commerciale », appuie l'un des conseillers présents. « Si ce n'est que l'augmentation des résultats profite à tout le monde, pas uniquement à ses dirigeants ». 
 
Mais l'entreprise qui génère un volume d'affaire de 80 millions d'euros, interpelle. D'autant qu'en France, la réussite est toujours suspecte et que pour André-Pierre ALEXANDRE ce n'est pas si simple de se défaire du GPEM, même 20 ans après. Il s'en explique d'ailleurs dans une vidéo  de présentation. « Quand j’avais 20 ans en 1989, j’ai effectivement été distributeur d’une entreprise qui s’appelait le GEPM, laquelle a fait couler beaucoup d’encre » explique le PDG, également animateur de son propre réseau de conseillers, comme tout le monde. « Seul le dirigeant de cette société a été lourdement condamné ce qui ne met nullement en cause le mode de distribution. Pour ma part, je n’ai jamais fait partie des dirigeants de cette société et n’ai jamais rien fait d’illégal ».
 
Si ce principe de vente dite de « multiniveaux (*) » qui s’appuie sur un tissu de conseillers - livreurs à domicile, du plombier au toubib, en passant par l’ingénieur ou l’agriculteur, ne procure pas des revenus supérieurs à 500 € par mois pour la plupart, il interpelle les plus vindicatifs qui y voient une entreprise sectaire, pyramidale, c'est à dire qui profite aux seuls créateurs de l'entreprise, par spoliation des membres de base, ou encore un moyen de contourner le salariat et le sacro-saint Code du Travail. « C’est un complément de revenu lorsqu’on n’a plus de travail ou que l’on est à la retraite », affirme une conseillère. « C’est un travail indépendant pour lequel si tu ne fais rien, tu ne gagnes rien, si tu bosses, tu peux améliorer l’ordinaire, voire en vivre pleinement, comme n’importe quel entrepreneur », nous confie une autre conseillère qui rêve d’un travail à temps plein, lequel peut devenir très rémunérateur si les ventes sont importantes et le réseau, « la lignée » comme on l'appelle dans l'entreprise, est très dynamique. 
 
« Nous avons un statut et nous payons des impôts », poursuit un fonctionnaire simple consommateur pendant plusieurs années, devenu conseiller avec son épouse. « C'est souvent comme ça que ça commence. On est d'abord acheteur auprès d'un ami conseiller, pour ses besoins personnels, puis un jour on devient sois-même conseiller. Et comme on apprécie les produits, c'est d'autant plus facile à vendre ».  Avec, d'avis de clients, consultés pour l'occasion, « des produits exclusifs, parfois plus chers à l’achat, avec des emballages peu accrocheurs, mais souvent plus économiques sur la durée que ceux que l’on trouve dans les supermarchés ». 
 
« Nous privilégions d’abord le rapport humain et l’entraide entre les membres »

L’argumentaire est bien rodé et encouragé par l’entreprise qui emploie 120 salariés sur son site normand, compte 5 000 conseillers actifs et 120 000 clients réguliers en France et en Europe. Et si AKEO organise des « grand-messes », le plus souvent dans des lieux emblématiques, comme celle organisée au Center Parc de Sologne, avec un cottage payé par l’entreprise (en tarif basse saison pendant 2 jours), mais avec des repas composés de simples sandwiches. Pas de quoi fouetter un chat. Quant aux voyages haut de gamme proposés à ceux qui réalisent les meilleurs scores, ils sont le plus souvent payés mensuellement par les conseillers, les bénéfices accumulés lors des ventes permettant à chacun d’en réduire le coût. Une motivation supplémentaire et l'introduction à l'esprit de challenge, ciment de la vente directe.
 
« Ce qui fait la force du réseau AKEO, c’est que nous sommes les premiers testeurs des produits que l’on propose. Nous sommes des consomm’acteurs » poursuit Hélène, une entrepreneuse nordiste. Si aucun stock n’est obligatoire, un droit d’entrée de près de 200 € pour la fourniture du kit de démarrage (valise de catalogues...) est toutefois nécessaire, « très vite récupéré », confie Caroline, une autre conseillère. Et parfois d'autres catalogues et modèles à acheter, « comme dans n’importe quel magasin. Et si on ne peut pas il y a toujours le site web et le réseau. Et puis on s’appuie aussi sur l’expérience des autres ». 
 
Mais qu’est ce qui fait que cette rumeur de réseau pyramidal ou dit de « boule de neige » est aussi persistante ? Peut-être parce que plus le réseau est important plus chacun s'enrichit. Chaque entrepreneur, lui-même animateur d’un réseau de conseillers voit ses marges varier en fonction de l’activité de son propre réseau, selon des pourcentages préétablis en fonction du niveau de chiffre d'affaire du réseau. Des marges qui peuvent aussi s’effondrer, surtout si l'animateur de réseau ne réalise pas lui-même des ventes suffisantes. Pour autant il ne s’agit pas d’être commercialement agressif. « Nous privilégions d’abord le rapport humain et l’entraide entre les membres, mais aussi avec nos clients. Ça crée du lien  », nous confie un des entrepreneurs de la première heure. « Si l’un de nous a besoin d’un produit pour une démo et qu’il ne l’a pas chez-lui, il y a toujours un membre du réseau, prêt à lui prêter. Bien sûr si chacun vend, tout le monde y gagne : la centrale qui va pouvoir négocier de meilleurs prix, les clients, les vendeurs et leur propre réseau  ». 
 

Pour tous il ne s’agit pas de forcer la vente, même si parfois on se demande si certains n’ont pas la marque tatouée sur l’épaule, tant ils vivent pour ce réseau et rien que pour lui, au point de quitter leur emploi salarié pour se consacrer au réseau. C’est d’ailleurs ce qui motive les détracteurs. « AKEO est adhérent de la Fédération de la Vente Directe. Cette adhésion suppose un comportement irréprochable auprès des consommateurs et des distributeurs », conforte André-Pierre ALEXANDRE, également Président de la région Haute Normandie de la FVD. « Mais parfois notre succès dérange ou intrigue ceux qui méconnaissent les mécanismes de la vente directe. D’autant plus que chez nous on n’achète pas des actions, nous sommes plutôt dans l’action. Un moyen de vivre autrement (slogan de la marque – NDLR) », martèle le boss. Et en cette période de morosité ambiante, où chacun se demande de quoi demain sera fait, ce concept de vente, plutôt intelligente, fait réagir, forcément. Enfin ne cherchez pas ce que veut dire AKEO. Il s'agit d'un label facile a retenir, élaboré par Publicis  pour une coopérative qui faisait suite au GPEM, et tombé en désuétude après sa fermeture. Il a été repris par le fondateur de la centrale d'achat normande.

 


Bon à savoir : 

La vente directe à domicile a été créée au XIXe siècle par Isaac Singer, pour la vente de machine à coudre. Après la seconde guerre mondiale, les foyers voient débarquer l’américain Tuppeware pour des réunions de vente à domicile de ses bols à conservation, mais aussi la société d’édition française Quillet pour la vente d’encyclopédie 
 
La vente multiniveaux qui aurait été lancée en 1941 par la société californienne Nutrilite, racheté ensuite par le géant du concept, Amway Corporation, s’appuie sur des principes qui permettent à chacun de gérer sa propre affaire après une formation simplifiée, complète et un investissement financier minimum. Elle se pratique seule ou en famille, à temps partiel ou plein. C’est une activité dans laquelle chacun est égal et où la date de signature du contrat ne détermine pas les revenus, lesquels dépendent uniquement des ventes réalisées. C’est une activité qui se développe dans l’esprit de la libre entreprise, ou le respect mutuel est nécessaire, ou l’intégrité et l’éthique personnelle sont les facteurs déterminants de la réussite. ( Source Gazette du Palais – janvier 1995 - Journal Officiel du Palais de Justice de Paris ) 





              

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